Vladimir Ionesco, Global Sales Performance director, Doctolib : “La mentalité produit est la clé d’une équipe sales ops performante”

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Publié le
31/10/2023
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10min

Vladimir Ionesco a rejoint Doctolib en 2018 en tant que Strategy Manager. En 2020, il est passé Head of Sales Performance, puis en juillet 2021, Global Sales Performance Director. Depuis son arrivée chez Doctolib, Vladimir a notamment défini la stratégie de lancement de nouveaux produits et mené la « task force » téléconsultation en France durant le Covid. Son équipe, composée de 20 personnes, appuyée par des développeurs et des data analysts, pilote la performance de 1000 commerciaux et consultants customer success répartis dans 3 pays (France, en Allemagne et en Italie).

Quels étaient le contexte et ses objectifs à son arrivée chez Doctolib ? Quelles ont été les étapes clés pour définir la stratégie nouveaux produits & segments ? Quels sont les dessous du déploiement de la téléconsultation à grande échelle durant le confinement ? Quelle est sa « secret sauce » pour construire une fonction sales ops performante au service de la croissance ? Il nous explique.

Tu as démarré à la stratégie sur le lancement de nouveaux produits. Comment as-tu procédé pour définir les champs à investir et les priorités ?

Doctolib venait tout juste de réussir sa fusion avec MonDocteur, son concurrent numéro 1, dans un contexte d’hyper-croissance et d’ambitions très fortes en termes de nouveaux marchés et produits. C’est dans cette perspective d’accélération que j’ai eu la chance de rejoindre l’aventure en tant que tout premier membre de l’équipe Stratégie.

Notre mission était de définir un cap pour l’entreprise à 5 ans, d’identifier les principales opportunités business à court et moyen terme, puis de lancer les plus prometteuses.

La première étape a été d’analyser les fondamentaux du modèle Doctolib et de notre marché. Nous avons donc consulté nos équipes internes, à commencer par nos vendeurs et le produit, mais nous avons surtout parlé à nos clients, pour identifier leurs attentes et mesurer la valeur que nous pouvions leur offrir. En parallèle, nous avons réalisé un travail de recherche approfondi — sur les grandes évolution de la santé, sur le marché, l’international etc. — pour identifier l’ensemble des NBO (new business opportunities) adjacentes à notre modèle. Nous en avons finalement retenu 50, que nous avons ensuite priorisées via une méthodologie classique de type attractivité x accessibilité.

Le logiciel médical, utilisé par les professionnels de santé pour alimenter le dossier de leurs patients, prescrire des médicaments, ou encore télétransmettre à l’assurance maladie, est très vite apparu comme la priorité numéro 1.

La deuxième étape a consisté à valider la valeur que nous pouvions créer pour les professionnels de santé. Pour cela, nous avons échangé sur le terrain avec des centaines de médecins, afin de mieux comprendre leur façon de travailler et leurs problématiques. En parallèle, nous avons décortiqué les solutions proposées par les acteurs historiques, afin de déterminer en quoi le logiciel médical Doctolib pouvait se différencier et créer de la valeur pour les professionnels de santé. Cette phase d’analyse a duré 9 mois.

Enfin, nous avons lancé la construction de ce logiciel médical nouvelle génération. Convaincus que nous pouvions aider les professionnels de santé et leurs patients, nous avons obtenu le « go » de notre direction et donc lancé le développement du produit avec les équipes produit et tech. Il était bien sûr impensable de ne pas impliquer nos utilisateurs et nous avons donc immédiatement rassemblé une communauté de professionnels de santé pour co-construire la meilleure solution possible, au service de leur quotidien.

Pendant la période covid, tu as piloté l’équipe chargée du déploiement de la téléconsultation à grande échelle. Quels ont été les principaux défis que tu as rencontrés ?

À quelques jours du premier confinement, nous avons vite réalisé que les cabinets médicaux fermeraient leurs portes et que de nombreux patients arrêteraient de se soigner. Notre CEO nous a donc donné une mission claire : déployer la téléconsultation en France à très grande échelle et gratuitement, en moins de 10 jours. Un défi de taille, notamment en raison des délais extrêmement serrés et de la nécessité de coordonner de nombreuses équipes, le tout dans un contexte particulièrement difficile. Nous l’avons néanmoins relevé grâce à l’engagement sans faille de toutes les équipes de Doctolib. En une semaine, nous sommes ainsi passés de 3 000 à 35 000 utilisateurs.

Notre second défi a été d’anticiper la sortie du covid, et donc la fin progressive de la gratuité de notre solution de téléconsultation. Notre objectif était donc de convaincre les utilisateurs que la valeur de notre produit justifiait une utilisation payante même sans covid. Après avoir défini un indicateur simple — un nombre de téléconsultations par mois , nous avons concentré nos efforts sur l’excellence du service, l’amélioration permanente du produit et la définition des cas d’usage médicaux avec les Ordres et les professionnels de santé. Notre stratégie s’est révélée fructueuse puisque près de la moitié des utilisateurs ont continué de nous faire confiance après la fin de la gratuité.

Aujourd’hui tu diriges la fonction Sales Ops de Doctolib au niveau global. Pour toi, la clé du succès n’est pas la mentalité commerciale, mais la “mentalité produit”. Peux-tu nous en dire plus ?

Bien sûr, tout sales ops doit être très familier des enjeux commerciaux et du quotidien des vendeurs. C’est la base du métier. Néanmoins, l’équipe étant au service de la stratégie commerciale et de la croissance à grande échelle, les sollicitations et les projets potentiels sont nombreux. L’enjeu critique est donc de bien prioriser, dans un contexte de ressources restreintes et de pression intense. Cette situation exige une approche méthodologique rigoureuse, fondée sur la découverte, la priorisation, la mesure d’impact et l’itération. Or, on retrouve là les fondements du product management.

Fun fact : lorsque je suis arrivé dans l’équipe, la première chose que j’ai faite a été de diviser le nombre de projets en cours par deux !

De façon plus concrète, tout sales ops doit :

  • Définir son KPI North-star et le décomposer sur plusieurs niveaux ;
  • Connaître en profondeur le cycle de vente et ses acteurs ;
  • Analyser “en chambre” tout en se plongeant dans la réalité opérationnelle, afin d’identifier les points de douleur et les gisements de valeur ;
  • Prioriser les projets candidats selon une méthodologie robuste et à l’aune d’un (sous) KPI bien défini (temps gagné, nombre de RDV de ventes etc.) ;
  • Suivre l’adoption des produits internes / projets, mesurer l’impact et itérer.

C’est la théorie. Bien sûr, il faut garder à l’esprit qu’on ne peut pas toujours tout mesurer. Il faut donc savoir faire preuve de “bon sens paysan”, de conviction et d’un peu d’audace.

Justement, quels sont les outils et méthodes que tu utilises pour créer une mentalité produit ?

Trois outils assez classiques, mais efficaces: le KPI North Star, l’approche MECE et le framework RICE. Ce sont trois piliers du product management, mais qui conservent leur pertinence dans toute situation où il faut maximiser l’impact et fixer des priorités, le tout dans un contexte de ressources humaines et matérielles très contraintes.

  • La North Star, ou étoile du nord : c’est le KPI le plus important qui guide notre action et mesure le succès. Une fois fixé, il faut le creuser et identifier les sous KPIs sur lesquels se porterons nos efforts, afin de bien en mesurer l’impact.
  • L’approche MECE : c’est une méthodologie issue du conseil en stratégie, qui permet d’analyser efficacement n’importe quel problème ou KPI en le décomposant sans oubli ni redondance, afin de créer un plan d’action impactant.
  • Le framework RICE : développé par Intercom, c’est une méthode de priorisation qui, outre l’impact attendu et le coût, intègre le degré de certitude.

Dans un monde où tout est toujours urgent pour tout le monde, la combinaison concrète de ces trois outils permet d’objectiver les discussions et prendre les meilleures décisions. Et nous le savons tous : choisir, c’est renoncer.

Pour diffuser une culture de performance systématique auprès de tes équipes, tu insistes sur l’importance d’avoir un playbook. Pour quelles raisons ?

Il n’est pas si difficile d’avoir des stars dans son équipe commerciale. Et d’ailleurs, les stars ont généralement un système qui leur est propre et qui n’est que partiellement reproductible. Le vrai défi, c’est de rapprocher la grande majorité des sales — les core performers — de ce niveau d’excellence. Et de faire en sorte que cette excellence soit systématique, et non irrégulière, et qu’elle se maintienne alors même que l’équipe grandit ou évolue, y compris à grande vitesse.

Cette culture de l’excellence — évolutive, systématique, homogène, doit être adossée à un playbook, qui est en quelque sorte le réceptacle de LA méthode de vente de la boîte et des meilleures pratiques, maintes fois éprouvées. Y figurent généralement les missions des différents commerciaux, les compétences attendues, le cycle de vente, les routines du succès, les outils et process, le modèle de bonus etc…

Bien sûr, un playbook bien construit ne suffit pas. Il faut également des manageurs commerciaux qui se l’approprient, l’incarnent, l’appliquent, le diffusent.

Quelle est ta « secret sauce » pour construire une fonction sales ops performante au service de la croissance ?

En premier lieu, comme nous l’avons déjà évoqué, la mentalité produit doit être largement diffusée et adoptée. La formation continue joue ici un rôle considérable.

Ensuite, la diversité des profils est essentielle. Chez Doctolib, l’équipe sales ops globale compte des commerciaux, des consultants en stratégie, des opérationnels ou encore des product managers.

Troisièmement, il est crucial que l’équipe soit un sparring partner des C-level, et donc à même de faire constamment l’aller-retour entre le point de vue stratégique et la réalité opérationnelle. C’est je pense la différence entre une équipe sales ops jeune, qui s’assure avant tout que “ça tourne”, et une équipe sales ops mature qui est en sus partie prenante des grandes décisions stratégiques.

Enfin, conserver ce lien avec le “terrain” est fondamental : dans notre équipe, tout le monde doit passer plusieurs demi-journées de “vis ma vie” chaque trimestre avec nos commerciaux.

Toutes ces compétences s’acquièrent, mais surtout elles s’entretiennent ! La formation continue est donc un pilier de la performance.

Selon toi, quels sont les meilleurs leviers de performance people ?

Le tout premier levier, c’est celui du développement professionnel. Si les compétences s’acquièrent, on oublie souvent qu’elles doivent constamment être entretenues, que ce soit pour s’améliorer ou se maintenir à niveau. S’il faut varier les sources d’apprentissage (expérience, cours théorique, shadowing etc..), le coaching est impératif. Chez Doctolib, tous nos managers passent ainsi 30% de leur temps à coacher leur équipe. D’ailleurs, il n’est pas exagéré de dire que les managers — notamment sales — forment l’épine dorsale de notre modèle et de notre réussite.

Le deuxième levier, c’est l’alignement entre les individus et l’entreprise. Chez les commerciaux, cela se fait d’abord par le modèle de rémunération, qui constitue l’un des vecteurs les plus puissants de toute stratégie commerciale. Mais cela passe également par une communication transparente de la vision et de la stratégie, afin que tous les employés soient “embarqués” dans l’aventure. Tout le monde a besoin de se projeter et de comprendre le sens de son action.

Enfin, au risque d’enfoncer des portes ouvertes, l’esprit d’équipe et la cohésion sont essentiels. On ne fait pas l’extra mile pour quelqu’un avec qui on a une relation purement transactionnelle. Une bonne équipe, c’est comme une équipe de sport !

Dans sa formation, Vladimir Ionesco partagera son expérience et ses méthodes pour que vous puissiez construire une fonction sales performance à la mesure de vos enjeux pour accélérer votre croissance. Alors, si vous souhaitez actionner les bons leviers de performance et créer la meilleure organisation pour améliorer la performance commerciale, sa formation « Sales Ops pour booster sa performance commerciale » s’adresse à vous ! Pour connaître les détails du programme, les objectifs et vous inscrire, c’est par ici !