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Travailler l’exemple du feedback constructif : progresser en tant que manager

Par
Pollen logo Pollen
Publié le
19/02/2024
Temps de lecture
10min

Pour réaliser des feedback constructifs, il est important de travailler avec des exemples pour faire progresser ses équipes et s’éviter des entretiens difficiles. Raphaël Moutard, Engineering Director chez Spendesk est expert en la matière. Au court de sa carrière, il est passé par différentes étapes de croissance dans des organisations hautement concurrentielles comme Amazon, où il s’est imprégné de la culture du feedback direct et structuré. Dans cet article, Raphaël partage ses phrases et exemples clefs pour réaliser des retours positifs comme négatifs, et faire progresser ses équipes.

Réussir un feedback constructif : Utiliser la donnée, travailler autour d’exemples précis, se préparer.

Comment partager un feedback constructif à un collaborateur ?

La première question que je me pose lorsque je souhaite réaliser un feedback est : quel est le message que j’ai envie de passer ? Qu’est-ce que je souhaite engager comme réaction ? Sans quoi, le feedback n’a pas d’intérêt. Un retour implique nécessairement un call to action. Y compris lorsqu’il est positif. Dans ce cas là, le call to action peut être moins évident. Il peut simplement s’agir de renforcer un comportement, de souhaiter conforter un collaborateur dans son rôle de façon à lui donner davantage de latitude par le futur. Les retours positifs, tout le monde sait en faire. Il est toujours plus difficile de faire un retour négatif. Pour cela, il faut être extrêmement rigoureux. Il faut définir la problématique et la solution attendue, pour pouvoir progresser collectivement. Voyons comment.

L’importance d’être factuel :

La recherche de faits, la mise en avant de la donnée permet d’éviter quelques erreurs lorsqu’on réalise un feedback. En particulier, certains biais induits par l’humain.

« Il y a eu 20 retours clients négatifs la semaine du lancement. »

Dans le cas d’un feedback négatif, prenons l’exemple d’un collaborateur qui arrive 2 à 3 fois en retard en quelques jours. Je repère un pattern pendant une semaine. Très vite, j’ai ce biais de confirmation qui intervient et le sentiment que mon collègue est systématiquement en retard. En réalité, si je rapporte ce nombre de retards au nombre total de rendez vous réalisés le matin dans l’année, je constate que la part de retard est faible. Le fait qu’il l’ait été deux fois de suite a tout de même suffit à biaiser mon jugement. Du point de vue des faits, mon collègue n’a pas été si en retard que ça. Mon impression est difficile (voire impossible) à faire valoir.

La préparation est importante. Sans préparation, la conversation ne sera pas constructive et le collaborateur - à raison - pourra facilement démonter vos arguments avec des phrases telles que « je ne suis pas d’accord avec toi » ou encore « je n’étais pas le lead sur ce sujet ». Lorsqu’on souhaite réussir un feedback, il est important de mettre des données en regard des performances attendues par l’entreprise, pour contrer toute forme de négociation. Par exemple, « Il y a eu 20 retours clients négatifs la première semaine, alors que notre moyenne est de 2. »

Utiliser la donnée : deux avantages

  1. Étayer le discours d’éléments objectifs. Dans le cas où une décision difficile serait à prendre, l’action négative pourra être documentée.
  2. Se sortir de tout registre émotionnel. La donnée permet de prendre une certaine distance vis à vis du collaborateur. En utilisant les chiffres on ne s’attaque jamais à la personne mais seulement au travail.

Choisir la forme adaptée :

Sur la forme, il y existe deux types de feedback.

Les feedback écrits et les feedback oraux. Je commence souvent par les feedbacks à l'écrit parce que ce sont ceux qui me forcent à structurer précisément ma pensée. L’écrit est froid. Au contraire de l’oral, il n’est pas nécessaire de réfléchir au ton de sa voix, à la réaction de la personne assise en face de soi. L’écrit présente tout de même quelques difficultés. Il demande de formuler ses retours avec des termes précis, mais en réalité, il y a aussi tout un pan de gestion des émotions qui est facilité. Les feedback écrits sont fondamentaux dans la forme car ils ont vocation à structurer le message avec des exemples qui permettront de mieux faire passer le message à l’oral. L’écrit est aussi régulièrement invoqué par les équipes RH car il s’agit d’un format obligatoire en France.

Qu’est ce que le framework Amazon ? Comment t’aide-t-il à écrire tes feedback ?

Le framework Amazon n’est pas destiné à la seule réalisation de feedback, mais il convient parfaitement dans ce cas de figure. Il est utile pour tout type de document technique qui nécessite une certaine rigueur.

On peut le diviser en quatre concepts que j’aime identifier :

  1. En finir avec l’écriture obsolète : c’est à dire l’utilisation de références relatives. Par exemple la phrase, « aujourd’hui, nous avons fait un meeting » est à proscrire. « Nous avons fait un meeting le jeudi 8 février à 10 heures » doit être utilisé, afin de contextualiser l’information partagée.
  2. Éviter l’écriture biaisée : de même, les “on dit”, “j’ai l’impression que”, “souvent”, et toutes autres formulations non définies et subjectives sont à bannir. Lorsqu’on réalise un feedback, on doit prendre ses responsabilités de manager. Cela implique de proscrire le “on” et de clarifier son propos.
  3. Utiliser la donnée : Tous les termes qui font passer une idée d’urgence sans la quantifier sont à éviter. “C’est un bug qui impacte 2000 clients sur 3000 ”, plutôt que “c’est un bug critique” sont des phrases type à valoriser pour réaliser un feedback constructif.
  4. Éviter les “peacock words” : c’est à dire tous les mots qui enjolivent votre discours sans action. Ils font plaisir à votre collaborateur mais ne le font pas progresser pour autant. Plutôt que de dire, “ta présentation était canon” il est préférable de privilégier un discours plus objectif. “Ta présentation était super réussie car tu as réussi à capter toute l’audience pendant une heure.”

Le feedback pour progresser en tant que manager et faire progresser ses équipes.

Quelles sont les bonnes pratiques et les pièges typiques à éviter lors de conversations difficiles ?

1. Choisir la communication adaptée.

Lors de la préparation d’un feedback, il faut choisir le moyen de communication le plus adapté. Je souhaite réaliser un feedback négatif. Est ce que je le fais par visioconférence, à distance ou en personne ? On n’a pas toujours le choix. Certaines entreprises sont 100% en télétravail. Mais la première chose à faire, c’est définir un entretien dédié avec l’outil adapté pour communiquer dans les meilleures conditions.

J’évite toujours de prendre mes collaborateurs au dépourvu.

“Est-ce que tu as cinq minutes pour discuter ?”, est le genre de phrase type à éviter. C’est une formulation stressante parce que les collaborateurs ne savent pas à quoi s’attendre. Il est important de mettre les pieds dans le plat et de jouer la carte de la franchise, “j’ai un retour à te faire à propos de tel projet”, puis d’envoyer une invitation dans la journée. Il faut être direct mais il ne faut pas non plus prendre par surprise. J’évite toujours de prendre mes collaborateurs au dépourvu.

2. Une fois dans l’entretien, éviter le piège de l’argument sandwich :

Il faut tout de suite commencer par le négatif. Ce n’est jamais un moment agréable, le mieux est d’aller droit au but. Les questions et phrases types comme “tu as passé un bon week-end ?” ne changent rien à la difficulté du message et ne rendent pas service. Il est certainement plus facile de ne pas faire de feedback, de punir le collaborateur en ne lui laissant pas la chance de progresser. Le choix du feedback marque aussi le constat qu’une erreur a été faite, qu’on ne souhaite plus qu’elle soit reproduite et qu’on estime que le collaborateur sera capable de progresser.

De la même manière, terminer sur une note positive n’apporte rien. Imaginez l’inverse. Vous réalisez un feedback positif et terminez pas une note négative : “tu bosses super bien mais par contre tu ne sais pas travailler en équipe.”

3. Laisser place au silence :

Une fois la mauvaise nouvelle annoncée, il est important de laisser du temps au collaborateur pour intégrer les retours. Chacun a sa manière d’accueillir un feedback négatif, certains n’y sont d’ailleurs pas toujours préparés. Il est important de donner le temps au collaborateur et d’accepter les silences.

4. Anticiper les objections classiques :

Il existe deux ou trois types de réactions différentes : Ceux qui comprennent.

C’est le cas de la plupart des collaborateurs qui savent quand ils ont commis une erreur et qui ont des réactions saines. Dans ces cas là, il est important de marquer le point et de rapidement passer à autre chose. Tout le monde fait des erreurs.

Les réactions de désaccord. Certaines vont peut-être intégrer des éléments tangibles que le manager n’avait pas pris en compte et qui vont lui permettre de nuancer son propos.

D’autres au contraire, vont invoquer tous les arguments du monde pour marquer leur désaccord. C’est pour cette raison qu’il faut valoriser la préparation et l’utilisation de la donnée, pour recentrer très rapidement et insister en formulant son intention : “je ne suis pas en train de t’attaquer personnellement, je me concentre sur le travail et le rendu.”

Détourner l’attention sur un tiers.

La troisième réaction classique consiste à détourner l’attention. “Untel est pire que moi car il a fait ça.” De la même façon, il est important de recadrer l’entretien très rapidement en insistant sur l’objectif : “Je parlerais à untel en tant voulu. Aujourd’hui j’aimerais parler de toi et de ton travail.”

5. Savoir arrêter le meeting si nécessaire :

Dans le cas d’objections virulentes, il est important de conserver son calme. Ce sont des moments difficiles et l’agressivité peut avoir des conséquences irréversibles. Il faut savoir arrêter le meeting en tant voulu, en particulier si l’interlocuteur est de mauvaise foi ou s’il est hermétique aux retours que nous lui formulons. Certaines phrases simples permettent de désamorcer la situation tout en restant juste : “Ok, je vais te laisser revenir vers moi, m’écrire ce que tu souhaites m’écrire et me partager les arguments qui plaident en ta faveur. Je pense que dans ces conditions, l’oral n’est plus le bon format, et il te faut du temps pour prendre du recul sur cette situation.”

Comment cette façon de structurer tes feedback vous fait progresser ton équipe et toi ?

En tant que manager c’est très intéressant. Nous sommes humains et nous intégrons des biais énormes et parfois injustes. En tant que recruteur, lorsque je vois un CV qui me vient d’Amazon, inconsciemment, je suis séduit. En réalité, c’est une réaction assez absurde. La donnée permet d’éviter ce type de biais et de prendre les décisions les plus éclairées.

En tant qu’équipe ensuite, c’est une véritable opportunité de mettre en place des actions concrètes et de fixer un cap, ce qui permet à chacun de progresser. Faire des rétrospectives sur certains projets, comprendre ce qui a fonctionné et n’a pas fonctionné pour la suite, ce n’est pas toujours facile mais c’est extrêmement enrichissant et productif.

Je pense qu’il est aussi important de comprendre que les feedback peuvent prendre des formes multiples. Une promotion, une augmentation de salaire, constituent un feedback qui envoie un message positif. Organiser un événement parce que le projet s'est bien passé est un feedback. Il existe bien des façons de manifester sa reconnaissance sans rentrer dans une dynamique fondamentalement rigoureuse.

Dans sa session Pollen, Raphaël Moutard partage ses stratégies éprouvées pour gagner la confiance de ses équipes, recruter et fidéliser ses meilleurs talents. Actuellement, Engineering Director chez Spendesk, où il est passé par différentes étapes de croissance, organisations, et culture, Raphaël a managé des équipes d’ingénieurs qui sont passées de 1 à 100 personnes tout en restant proche de ses collaborateurs grâce à la culture du feedback.