Elizabeth Coleon, CMO chez Withings : « L’équilibre entre analyse des données et dialogue client est fondamental ! »

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Publié le
04/01/2024
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8min

Elizabeth Coleon est Chief Marketing Officer chez Withings, leader de la santé connectée. Auparavant, elle a été directrice de la croissance commerciale pour l’UE occidentale chez PayPal, et a dirigé l’équipe de croissance de Qonto à partir de la série B à la série D en développant notamment des marchés en Italie, Allemagne et Espagne.

Au travers de ses expériences, Elizabeth a développé des frameworks pour prioriser ses marchés, gérer et adapter ses stratégies, et mettre en place une organisation transnationale adéquate. Qu’a-t-elle appris de son passage chez PayPal ? Quelle a été son expérience la plus challengeante ? Quelles différences constate-t-elle dans la manière d’exécuter aujourd’hui la stratégie par rapport à l’époque PayPal ? En termes d’organisation, quelles sont les fonctions que Elizabeth préfère garder en central et celles qu’elle préfère laisser aux locaux ? Elle nous explique.

Tu as démarré chez PayPal aux côtés notamment de Dan Schulman et son deuxième IPO. Qu’as-tu appris ?

Dans l’ensemble, j’ai retenu trois choses de mon expérience dans l’entreprise :

1/ L’importance de donner une vision et une stratégie à une équipe. Lorsque Dan Schulman est arrivé, il a insufflé une vision dans laquelle le rôle de PayPal était de démocratiser les paiements. En stratégie, il était prêt à disrupter les marges du produit checkout PayPal en développant un produit paiement par carte bancaire qu’il était nécessaire de faire évoluer vis-a-vis des GAFAM qui entraient en paiements.

2/ L’importance de l’esprit d’entreprise et le fait que l’on peut faire la différence même dans une très grande entreprise dès lors que l’on est prêt à retrousser ses manches en allant sur le terrain et en étant force de persuasion. Mon plus grand projet au cours de ces années a été de convaincre les États-Unis que nous devions rendre notre produit de paiement peer to peer gratuit pour les consommateurs afin de stimuler l’acquisition et, plus tard, générer plus de revenus.

3/ L’importance des personnes et du leadership. Les dirigeants, en particulier là où j’étais en Europe, ont donné la priorité au développement des talents, aux opportunités, au coaching, au parcours de carrière, au développement de l’environnement de travail. Les différents directeurs généraux de la région m’ont mis au défi et m’ont donné des opportunités. J’en retire à la fois des enseignements pour développer mes propres équipes, mais aussi un réseau extrêmement solide qui me soutient lorsque j’ai des questions ou que j’ai besoin de quelqu’un pour m’écouter.

Tu as géré la croissance internationale chez PayPal et Qonto, et aujourd’hui Withings. Peux-tu nous parler de ton expérience la plus challengeante ?

L’expérience la plus challengeante était le moment du lockdown pour le Covid en 2020. J’étais chez Qonto depuis seulement 6 mois et c’était la première fois que j’avais des responsabilités aussi larges avec des enjeux aussi importants vis-à-vis de mon équipe et du business.

C’était primordial de rassurer nos clients, d’adapter nos investissements marketing tout en rassurant l’équipe (certains ont vécu des moments personnels très difficiles). J’ai eu la chance d’être entourée par une équipe extraordinaire qui m’a donné de l’énergie chaque jour. Nous avons pu nous soutenir pendant les moments difficiles.

Nous avons su rapidement adapter nos communications externes et notre façon de collaborer en interne : utilisation de Notion, Slack, avec encore plus de transparence même si des fois on prenait des risques en communiquant lorsque l’on avait des problèmes. Du coup, je pense que Qonto a su transformer ce moment en une opportunité de développer la confiance de nos clients et de renforcer l’équipe. Aussi, je précise que j’ai eu la chance d’avoir un mari en soutien puisqu’il s’est occupé de nos 3 enfants pendant cette période.

Vois-tu des différences dans la façon dont tu exécutes ta stratégie aujourd’hui par rapport à l’époque PayPal ?

Chez PayPal, qui était déjà une grosse entreprise, j’ai principalement appris les fondamentaux de leadership, la stratégie et les bases d’exécution en termes d’alignement et gestion de projet pour faire bouger “un paquebot”.

Exemple : chaque année, nous avions un planning chargé et nous devions prioriser les ressources des pays. L’Inde et la France sont deux énormes marchés très différents. La France est mature avec moins de risques. Ce n’est pas le cas de l’Inde où le risque est plus important. Je devais donc réfléchir à différents éléments comme la taille du marché potentiel, la croissance existante, la complexité de la réglementation, l’alignement avec la boîte, la possibilité d’avoir une équipe locale, les produits pour réussir à se développer, et à comment les présenter simplement tout en ayant un plan optimal.

Dans les plus petites boîtes comme Qonto qui commencent à scaler, avec de fortes ambitions et qui doivent garder leur agilité, on met l’accent sur l’efficacité d’exécution. On réfléchit plus à l’apprentissage en continu et à comment être plus efficace en exécution. Ce n’était pas facile de changer mes habitudes, mais j’ai appris beaucoup en particulier des concepts de lean management :

1/ Le one piece flow et le juste à temps. Derrière ce dernier concept, l’idée est qu’il est plus rapide de faire 3 lancements de produits si l’on travaille que sur un seul jusqu ‘à sa sortie et si on n’en fait pas trop en avance même si ça peut donner un sentiment de réassurance. Le one piece flow permet aux membres de l’équipe de bien se concentrer sur leur contribution, de ne pas attendre et de ne pas prendre le risque de faire un travail qui ne sera pas utilisé ou qui devra être refait parce qu’après 2 semaines les besoins ont changé.

2/ Le Kanban pour visualiser toutes les étapes de ce qui est livré au client, qu’il s’agisse d’un produit ou d’une campagne de marketing. C’est important pour apporter de la clarté et permettre d’optimiser son organisation, ses process et d’apprendre des problèmes qui deviennent visibles. Concrètement, l’idée est que chaque personne soit au clair sur les attendus et d’éviter de perdre du temps à attendre quelque chose d’un collègue. Par exemple, le responsable de website doit préparer un brief clair qui passe ensuite au designer puis au développeur. Et on doit avoir le bon nombre de ressources pour chaque expertise pour éviter des bottlenecks et frustrations.

En termes d’organisation, quelles sont les fonctions que tu aimes garder en central ? Et celles que tu laisses dans chaque pays ? Pourquoi ?

Cela dépend de la localisation, de la maturité et du nombre de pays. Par exemple, chez Qonto, il était important de passer d’une organisation qui était à la base faite pour la France et qui est devenue automatiquement “globale” le jour du lancement des nouveaux pays à une organisation vraiment internationale. Et même si la taille actuelle des nouveaux pays était plus petite, il fallait donner plus de ressources aux pays pour que l’entreprise prouve qu’elle peut réussir dans ses autres pays. Concrètement, j’ai trouvé important d’avoir une base globale pour chaque métier pour assurer une expertise et une efficacité. Et puis rendre des fonctions plus techniques (par exemple paid acquisition, website développement) plus centrales, et des fonctions comme la communication plus locales. Le fait d’avoir des country managers locaux avec une responsabilité pays (sur toutes les fonctions) était très précieux même si ça crée des frictions de temps en temps.

À l’inverse, chez Withings, nous comptons 40 pays dans lesquels nos revenus sont déjà assez divers et il y a encore de nombreuses opportunités de construction de bases fonctionnelles globales. Je trouve important d’avoir une équipe locale aux US, mais en générale je préfère prioriser le développement de ses bases avant d’allouer des ressources à un autre pays.

Exemple : à mon arrivée chez Withings, nous n’avions pas de « base » sur la marque depuis longtemps. Le risque était que chaque pays crée ses propres guidelines, son propre dashboard, sa propre manière de suivre les résultats, de tirer des leçons, de partager ses apprentissages. Nous ne pouvions pas non plus comparer les résultats entre les pays. Il était donc essentiel d’élaborer une stratégie claire et alignée avec la stratégie produit au sein des équipes centrales avant de localiser dans trop de pays. Bien sûr, cela s’est fait en tenant compte des points de vue locaux.

Quels conseils donnerais-tu aux chefs d’équipe growth, sales ou marketing qui se lancent à l’international ?

À mon sens, le plus important est de trouver le bon équilibre entre analyse des données et la capacité à savoir parler avec les clients pour les comprendre et trouver de l’inspiration pour les futures actions.

Par exemple, on peut regarder des données qui indiquent que certains mots-clés sont trop chers en Allemagne et penser que ce n’est pas un bon canal d’acquisition. Mais après avoir discuté avec un client qui utilise des mots différents, on pourrait conclure l’inverse.

Autre conseil : à chaque fois que vous êtes à court d’idées, parlez à des clients et à des prospects. Et surtout à des clients satisfaits. Les gens se concentrent beaucoup sur les clients mécontents et essaient de répondre à toutes leurs demandes. Mais il est important de comprendre leurs points de satisfaction et les souligner dans le marketing.

Enfin, prenez le temps d’être vraiment aligné : aligné sur le pays, le domaine du produit à développer, s’aligner avec les autres équipes de l’entreprise et faire en sorte qu’elles comprennent ce que vous faites. Je suis consciente qu’il est très difficile de prendre ce temps parmi les centaines de choses que vous faites, mais cela est payant en termes d’impact et d’évitement de problèmes.

Le 26 janvier 2024, Elizabeth Coleon partagera son expérience et ses méthodes pour vous aider à prioriser les marchés, gérer et adapter vos stratégies, et mettre en place l’organisation transnationale adéquate dans sa formation « Managing multi-country growth » Pour connaître les détails du programme, les objectifs et vous inscrire, c’est par ici !