6 bonnes pratiques pour réussir son User Interview, avec Caroline Caltagirone Lead User Research chez Malt

Par
Pollen logo Pollen
Publié le
23/04/2024
Temps de lecture
8min

Pour créer de bons produits, il est essentiel d’identifier les besoins de vos utilisateurs, et ce dès le départ. Caroline Caltagirone est responsable de la recherche utilisateur chez Malt. Elle y a mené plus de 250 entretiens. Au cours de son expérience elle a su développer des méthodes et techniques précises pour créer un plan de recherche efficace, éviter les écueils classiques et mener des entretiens plein de promesses. Car au-delà de leur simplicité apparente, les users interviews nécessitent une préparation méticuleuse, une exécution soignée, et une analyse rigoureuse pour éviter les biais et les erreurs couteuses. Dans cet entretien donné pour Pollen, Caroline nous présente ses 6 bonnes pratiques pour faire de votre user interview un véritable succès.

1. Valider la méthodologie adaptée

Avant même de vous lancer dans l’entretien, il est important de garder à l’esprit que l’user interview est une façon - parmi d’autres - de collecter de la matière. Les surveys, l’observation, les data analytics sont autant de solutions permettant d’obtenir des résultats, mais la méthode et le format choisis peuvent varier selon les objectifs de votre recherche. Pour s’assurer que l’user interview est le medium adapté, il est nécessaire de définir soigneusement votre projet et ses hypothèses.

Cette préparation minutieuse est la pierre angulaire d'une interview réussie. Commencez par lister les interrogations que vous avez à propos de vos utilisateurs, définissez les hypothèses à valider ou invalider.

2. Recruter les bons utilisateurs

Les personnes que vous choisissez d'interviewer doivent non seulement représenter fidèlement votre audience cible, mais aussi apporter des perspectives diverses et pertinentes vous permettant de répondre aux différentes questions posées par votre recherche. Voici quelques conseils pour optimiser ce processus :

Je définis habituellement deux critères de sélection précis afin d’éviter les biais et représenter fidèlement mon échantillon :

Le premier est un critère démographique. Je sélectionne mon échantillon en restant fidèle aux caractéristiques de ma population cible (âge, sexe, CSP, environnement de résidence…).

Le second est un critère d’usage. La sélection s’effectue sur le comportement des utilisateurs vis à vis de mon produit ou de ma solution, leur façon de consommer, de réagir à certaines fonctionnalités qui m’intéressent dans le cadre de mon projet de recherche.

“Le guide d’entretien doit être structuré en différent blocs de questions qui correspondent chacun à un objectif de recherche.”

3. Structurer votre guide d'entretien en entonnoir

L'organisation du guide d'entretien est cruciale pour mener une conversation fluide et efficace. Ce guide doit être construit en funnel (ou entonnoir) et structuré de la façon suivante : commencer avec des questions larges et générales puis poursuivre avec des questions de relance de plus en plus spécifiques.

Le début de l’entretien est lancé par une courte introduction et se poursuit avec des questions générales du type “Depuis combien êtes vous inscrit sur cette application ?” ou encore “Qu’est ce qui vous a motivé à choisir ce produit ?”, “Combien de fois l’avez vous utilisé ?” etc.

L’objectif de cette introduction est double :

  1. Mettre l’utilisateur en confiance et l’aider à s’exprimer librement. Pour cela présentez de façon succinte le déroulé de l’entretien, rassurez l’utilisateur sur le fait qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse, encouragez le à partager son expérience et sa perception du produit.
  2. Poser des questions de base ou questions introductives pour comprendre le profil de l’utilisateur qui se trouve face à vous. Ces questions introductives vont vous permettre de vous adapter au profil rencontré et lui poser les questions les plus pertinentes parmi celle listées dans votre guide.

Le guide d’entretien doit être structuré en différents blocs de questions. Chaque bloc correspond à un objectif défini dans le plan de recherche.

Il est judicieux de sélectionner vos blocs de questions en fonction des réponses données par votre utilisateur lors de l’introduction. À l’intérieur de ces blocs de questions, on retrouve toujours la structure en entonnoir avec :

  1. Une question introductive - ou généraliste. “Racontez-moi la dernière fois que… ?” ou “Comment avez vous pris en main … ?”
  2. Des questions de relance - ou questions spécifiques pour creuser les retours de l’utilisateur comme “Pouvez-vous m’en dire plus ?” ou “Qu’entendez vous par là ?”

Soyez flexible : Si le guide d’entretien doit être structuré et parfaitement organisé, cette structure ne doit pas s’effectuer au détriment de la fluidité de l’entretien. Ne cherchez pas à tout prix à cocher toutes les cases de votre étude. Un utilisateur peut être choisi pour répondre à certaines questions, mais ne sera pas nécessairement pertinent pour chacun de vos objectifs de recherche.

”On dit souvent qu’il faut poser jusqu’à 5 pourquoi. La question “Pourquoi ?” est fondamentale, elle permet d’arriver à la cause racine d’un problème.”

4. Poser des questions ouvertes et privilégier l’expérience réelle.

Cette technique est essentielle pour limiter les biais et ne pas influencer les réponses de vos utilisateurs. Vos questions doivent être ouvertes et se fonder sur une expérience passée et vécue afin d’éviter tout élément suggestif et éliminer les réponses fantasmées.

Ce que j’observe avec les personnes qui débutent en entretien, c’est une tendance à poser des questions hypothétiques, conditionnelles, sur un futur plus ou moins proche.

Or, il est particulièrement difficile pour un utilisateur qui n’a pas vécu une situation de s’y projeter. Sa réponse sera donc hésitante et risque de se fonder, plus sur une volonté de satisfaire l’intervieweur que sur une réelle conviction.

Je privilégie toujours l’expérience. Dans le cadre d’une recherche réalisée pour Malt, je vais poser la question suivante : “racontez-moi la dernière fois que vous avez recruté un freelance sur Malt.” Je vais ajouter à cette question certaines relances qui vont privilégier l’expérience vécue : “c'était pour quoi? Combien de temps y avez vous passé ? Racontez-moi étape par étape. Pour vous, qu'est-ce qui a été source de satisfaction? À l'inverse, qu'est-ce qui a été source de frustration ? Pourquoi?”

On dit souvent qu’il faut poser jusqu’à 5 pourquoi. La question “Pourquoi ?” est fondamentale. Elle permet d’arriver à la cause racine d’un problème et éviter de rester en surface. Lorsqu’on mène un entretien utilisateur, il faut adopter une posture assez candide. Il ne faut jamais supposer de raisons liées aux réponses d’un utilisateur. Au contraire, il faut poser la question afin de ne pas projeter nos propres croyances. “Comment vous sentez vous ? Je suis frustrée. Pourquoi ?” Le pourquoi verbalise clairement le problème sans que vous ayez à le supposer.

Poser les bonnes questions, la méthode TEDW : L’acronyme TEDW (en anglais) vous permet de garder en tête les bonnes questions de relance à poser. T pour Tell me more (dites m’en plus) E pour Explain (expliquez moi) D pour Describe (décrivez moi… comment, pourquoi etc) W pour Walk me through (aidez moi à comprendre)

5. Utiliser des techniques d’écoute active

L’écoute active est essentielle pour mener des user interviews efficaces. Elle implique non seulement de rester attentif aux retours effectués par les utilisateurs mais également de comprendre le sous-texte, les éléments de posture et le langage corporel qui peuvent mettre en avant certaines frustrations, subtilités ou émotions chez les personnes interrogées.

Lorsqu’une personne hésite dans sa réponse, il est intéressant de creuser et de rebondir sur ces signaux, qui peuvent nous permettre d’identifier quand une personne n’est pas d’accord, lorsqu’elle n’ose pas s’exprimer, lorsque son visage se ferme. En particulier, il est fréquent que l’utilisateur travestisse certaines de ses réponses pour nous satisfaire, car le user researcher représente une figure d’autorité (même si vous cherchez à minimiser cet effet). Pour que les participants se sentent le plus à l’aise possible, la phase d’introduction est donc primordiale. L’utilisateur doit oublier qu’il est en entretien. Il doit concevoir ce moment comme une discussion où il est libre de s’exprimer comme il le souhaite.

“Le silence est un moyen d’en apprendre davantage.”

6. Gérer efficacement les silences, les questions et les hésitations

En phase d’entretien ou en phase de test, il est courant qu’un utilisateur pose des questions. Il ne faut pas tomber dans le piège de la réponse. L’entretien utilisateur ne consiste pas en une démonstration ou promotion d’un produit. Au contraire, ce moment doit être perçu comme une opportunité de retourner la question.

Si un utilisateur vous demande : “Et cette fonctionnalité là, elle sert à quoi ?” Ne répondez pas tout de suite. Dites plutôt : “Très bonne question. D’après vous, à quoi sert-elle ? Comment la comprenez-vous ?” Ainsi, il vous sera possible d’obtenir sa perception sur votre produit.

Enfin, il est important de reconnaitre la valeur des silences et de les accepter. Les silences ne sont pas nécessairement des moments à combler rapidement. Ils peuvent indiquer que l'utilisateur réfléchit profondément à la question. Ils peuvent marquer un inconfort. Ils peuvent aussi être un moyen très efficace de relancer une conversation sans avoir à poser de nouvelle question. Le silence est un moyen efficace d’en apprendre davantage. Faites le test. Laissez un silence et assurez vous de laisser la parole à votre utilisateur. Ce dernier risque de lui-même d’étoffer sa réponse et votre entretien n’en sera que plus riche.

La posture à adopter en user interview

Caroline a plus de 10 ans d’expérience dans le domaine de la recherche utilisateur. Elle a mené d’importantes recherches à l'université Harvard avant de rejoindre l'agence de design Haigo, basée à Paris.

Chez Haigo, elle a aidé divers clients du CAC40, des start-ups et des institutions publiques à identifier les problèmes des utilisateurs et à mettre en place des actions efficaces. En tant que responsable de la recherche utilisateur chez Malt depuis mars 2022, Caroline soutient 11 équipes dans l’étude et la validation de projet, en les aidant à prendre des décisions centrées sur utilisateurs.

Pour intégrer ces bonnes pratiques et réaliser des entretiens utilisateurs complets, découvrez la session de Caroline.